Consultant : approches et modes d’emploi

Auditeur, expert ou consultant ? L’entreprise ne discerne pas toujours clairement les frontières des différents corps de métier qui lui délivrent des prestations intellectuelles pour l’aider à atteindre ses objectifs, telles que l’audit, le diagnostic, l’expertise, la consultance (ou le conseil) ou même le coaching.

L’audit au sens large consiste à recueillir, de manière indépendante, des informations pour déterminer dans quelle mesure une organisation satisfait aux exigences d’un référentiel -norme externe ou directive interne- applicable dans un domaine donné, par exemple dans le domaine financier (p. ex : exigences issues du nouvel accord Bâle II sur les risques bancaires), de la qualité (p. ex : norme ISO 9001), mais également de la sécurité, de l’hygiène, du social ou de l’environnement (cf. normes nationales, CE et ISO existantes). L’audit interne a pour finalité de donner à la Direction d’une organisation l’assurance sur le degré de maîtrise de ses opérations, en évaluant son système de gestion des risques, de contrôle et de gouvernement d'entreprise, ainsi que de lui donner l’occasion d’en améliorer l’efficacité.

Il n’est pas rare de confondre audit et diagnostic : si l’audit se réfère à un référentiel applicable pour identifier des écarts et s’interdit de prodiguer des conseils à l’entreprise, le diagnostic se réfère aux bonnes pratiques existantes et à la stratégie de l’entreprise pour en identifier les forces et les faiblesses internes, et délivrer des recommandations d’amélioration.

L’acception du terme «auditeur» est souvent réduite au seul domaine comptable et financier. En revanche, l’appellation «expert» est plus largement galvaudée, car tout le monde est expert de quelque chose. L’expert est avant tout «celui qui sait». Il détient une «expertise», qui est la somme de ses connaissances techniques, de ses compétences et ses expériences acquises dans un métier, un domaine ou un secteur particulier, comme la gestion de production dans l’industrie manufacturière. C’est lui qui analyse la situation et propose la solution, par exemple pour maîtriser le risque de pollution par le cuivre de tranches de semi-conducteurs en technologie aluminium. L’expert intervient sur le métier même de l’entreprise. Au final, l’expert délivre un rapport sur un sujet donné après des entretiens et des observations sur le terrain et délivre ses conclusions et ses recommandations, comme peut le faire une commission d’enquête aéronautique ou un expert dans le domaine psychiatrique sur demande du tribunal près duquel il est assermenté.

Le consultant apporte d’abord et avant tout une méthode pour aider à l’organisation à trouver sa voie, que ce soit pour élaborer une stratégie, définir un système de gestion, mettre en place de nouvelles dispositions organisationnelles, améliorer des pratiques existantes ou résoudre un problème, dans des domaines aussi divers que le management, la production, les ventes, la communication, les ressources humaines, les achats, etc. L’intérêt est d’obtenir une décision acceptable, d’abord parce qu’elle est déjà acceptée par tous ceux qui ont contribuée à la préparer et qui en seront les premiers promoteurs, et parce qu’elle est, par l’implication même d’acteurs internes, adaptée à la réalité de l’organisation, à son contexte et sa culture. Grâce à son expérience acquise dans différents métiers, domaines et secteurs d’activités, le consultant apporte une certaine expertise qui constitue l’une de ses valeurs ajoutées. Ainsi, selon ses besoins et sa culture interne, un établissement hospitalier pourra recourir à un consultant généraliste en organisation, ou à un consultant spécialisé en organisation hospitalière, ou bien encore à un consultant issu d’un des métiers de la santé hospitalière.

Si l’expert est «celui qui sait», le consultant serait plutôt «celui qui fait faire». Un bon consultant peut même assumer la boutade suivante : «le consultant regarde la montre du client pour lui donner l’heure, et repart avec». Car l’entreprise a souvent le réel besoin de savoir l’heure qu’il est à sa montre. Elle comprend généralement assez bien ses problèmes locaux, mais ne possède pas toujours la vision d’ensemble du système, développe de bonnes idées sur les solutions à mettre en œuvre mais traite les effets indésirables plutôt que leurs véritables causes. Le consultant peut alors avoir un rôle à jouer selon deux configurations possibles :

Premier cas : la Direction a «le nez sur le guidon » ou «la tête sous l’eau ». Le consultant l’oblige à prendre le temps et le recul nécessaire pour lui faire «lire l’heure sur sa montre». Il réalise un diagnostic en impliquant l’encadrement et les personnes du terrain, confirme la problématique, émet des recommandations ou mieux encore, recherche la solution avec les acteurs concernés. En fin de mission, il repart «avec la montre» du client, c’est-à-dire une nouvelle expérience, parfois de nouvelles méthodes affinées «sur le tas», qui font de lui un vecteur de bonnes pratiques récoltées dans les différentes entreprises dans lesquelles il est intervenu. Les dirigeants éclairés savent lui reconnaître cet atout appréciable.

Second cas : la Direction n’arrive pas à prêcher le changement souhaité auprès du personnel, ou le directeur concerné n’arrive pas à convaincre la Direction du bien fondé du changement nécessaire qu’il propose, car «nul n’est prophète dans son pays». Le consultant peut dire la même chose en apportant une double valeur ajoutée : 1) la crédibilité d’un concept ou d’une méthode rationnelle éprouvée dans d’autres entreprises, dont découlera logiquement l’option à mettre en oeuvre, 2) la légitimité d’une démarche participative impliquant le personnel qui s’appropriera la solution et la mettra en œuvre d’autant plus facilement.

La consultance peut entrer dans le champ de la formation lorsque le consultant transfère un savoir faire tout en intervenant sur le terrain. En traitant un dysfonctionnement réel, le consultant permet ipso facto aux acteurs avec lesquels il travaille de s’approprier la méthode de résolution de problème utilisée. Ceci relève de la «formation action» qui reste de loin le moyen le plus efficace pour acquérir des compétences immédiatement réutilisables par l’entreprise.

Consultant, modes d’emploi

La manière d’utiliser un consultant relève de la culture d’organisation qui varie d’un pays à l’autre, d’un secteur d’activité à l’autre. Dans les pays anglo-saxons, les entreprises font naturellement une grande consommation de consultance. L’entreprise considère qu’il n’est pas rentable de détenir toute l’expertise et qu’il est efficace de recourir régulièrement à des prestataires extérieurs qui lui apporteront ce dont elle a besoin ponctuellement. On apprécie le consultant pour son apport de connaissances et de méthodes pourvu que cela contribue à l’amélioration de la performance globale : son apport représente une valeur ajoutée qui a un prix.

Le terme «consultant» vient d’ailleurs de l’anglais pour désigner un professionnel du conseil, alors que le mot «conseiller» existe en français (conseiller du ministre, conseiller financier) et que le mot «consultant» prend un tout autre sens dans le monde de la santé. Notons qu’il existe en anglais d’autres termes pour désigner le métier de conseil : counseling, advisory. C’est sous le terme advisory que les big four ont poursuivi leurs activités de consultance, après s’être débarrassé de leurs activités de consulting après l’affaire Enron, en respectant rigoureusement la règle de ne pas délivrer des conseils aux établissements qu’ils auditent et qu’ils certifient.

Dans d’autres cultures, plus à l’Est ou plus au Sud, on respecte d’abord l’autorité que confère la qualification de «celui qui sait». Dans la culture latine, si le résultat est important, ce qui est tout aussi important est la manière dont on fait les choses, la règle de l’art, le tour de main, la beauté de la démonstration, la puissance de l’analyse, etc. Dans ces conditions, recourir à un consultant, c’est parfois avouer qu’on ne sait pas faire ou qu’on a des problèmes. On ne veut pas toujours reconnaître sa contribution même : « comment une méthode applicable partout peut-elle être adaptée à notre contexte ? ». En France, le consultant fut un temps aussi mal perçu que le lobbyiste. Dans un pays comme le Grand-Duché, il arrive, pour d’autres raisons, de recourir au consultant de manière confidentielle, en évitant de le faire savoir aux autres confrères du secteur, ou de faire en en sorte de ne pas partager un même consultant.

L’approche de la consultance varie donc d’une culture à l’autre. Cela est aussi vrai d’un métier ou d’un secteur d’activité à l’autre.

Le monde industriel a depuis longtemps l’habitude de recourir au conseil et à l’expertise dont il a besoin pour améliorer continûment sa performance dans un contexte très concurrentiel. Le consultant fait le diagnostic clinique, rédige la prescription, accompagne la mise en œuvre et mesure les effets. Si les consultants classiques sont rémunérés selon des taux d’honoraires journaliers ou au forfait, les consultants en productivité et en amélioration de la performance s’engagent de plus en plus sur des objectifs à réaliser et se font rémunérer au prorata des gains de productivité ou des économies réalisés dans l’entreprise grâce à leur intervention.

Les établissements bancaires et financiers investissent beaucoup dans les systèmes d’information car l’automatisation des tâches structure l’organisation et réduit les risques de défaillance humaine, ainsi que d’ailleurs dans la formation professionnelle continue. C’est pourquoi ils collaborent étroitement avec les sociétés de service et d’ingénierie (informatique) ou de conseil en système d’information. La caractéristique de ces firmes est de placer chez leur client des ingénieurs ou consultants en régie 220 jours par an sur une ou plusieurs années. Toutefois, on voit depuis quelques années, des consultants en productivité et en amélioration de la performance entrer dans l’organisation bancaire, en apportant des méthodes directement issues du monde industriel, comme le lean management -pour accélérer les flux-, et le six sigma -pour réduire la variabilité de la qualité. Cela était impensable il y a encore cinq ans, pour la plupart des établissements de la place.

Que peut apporter le consultant et comment en tirer le meilleur parti ?

Le consultant apporte d’abord une méthode logique, souvent frappée au coin du gros bon sens et déjà éprouvée ailleurs avec succès, sauf quand il se sert d’une entreprise comme laboratoire de test. Le consultant maîtrise en effet la mise en oeuvre d’approches, de techniques et d’outils en s’appuyant sur les nombreux modèles et concepts développés dans les cinquante dernières années. C’est sa valeur ajoutée : il peut trouver dans sa boite à outils, la bonne méthode qui, mise en œuvre avec les bonnes personnes de l’entreprise, pourra conduire au bon résultat.

Le consultant possède ensuite des compétences en facilitation : il sait faire «accoucher» -au sens de la maïeutique des grecs anciens- l’organisation d’une solution en recourant aux techniques d’innovation, d’animation de groupe de travail et de questionnement, comme on l’a vu plus haut. Grâce à son sens relationnel et sa pédagogie sans lesquels il ne pourrait travailler, il doit savoir comment vendre et promouvoir un projet, comment persuader, convaincre, sensibiliser et motiver les acteurs concernés, même si le retour à la réalité après son passage peut être parfois dur.

Le consultant constitue enfin un vecteur de bonnes pratiques de travail : il a vu beaucoup de choses dans différents types d’organisation, les bonnes comme les moins bonnes, et a traité des problèmes très différents, ce qui lui permet de faire bénéficier l’entreprise de son retour d’expériences.

Pour tirer en le meilleur parti, l’entreprise doit être capable de formuler ses besoins sous la forme de résultats attendus, doit être clair sur la valeur ajoutée qu’elle attend du consultant et savoir exactement ce qu’elle veut rémunérer : faire prendre du recul à la Direction, faire prendre conscience de la réalité, faire fixer les bonnes priorités, faire adhérer le personnel à de nouvelles pratiques de travail ou faire changer effectivement les choses ? Mal utilisé, le consultant est une perte d’argent et de crédit en interne. Bien utilisé, c’est un auxiliaire précieux d’aide à la décision. La meilleure façon d’enterrer un projet de changement est encore de faire travailler le consultant avec un chef de projet qui n’a ni d’autorité déléguée ni d’accès direct à la Direction.

La conclusion revient à Auguste Detoeuf dans son ouvrage Propos d’O.L. Barenton, confiseur (Les Editions d’Organisation) : «Le bon consultant n’est pas celui qui conseille, mais celui qui déconseille».

Marc Roure
RHM Consultants
Article paru dans AGEFI Luxembourg - décembre 2008


Mots clés : audit, diagnostic, expertise, consultance, conseil, coaching

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